Opérations
Dans un article récent1, David J. Collis observe que les dirigeants d’entreprises innovantes négligent souvent d’investir dans les capacités nécessaires pour maintenir un avantage concurrentiel durable. La vue Opérations répond à cette lacune en structurant les ressources et processus de l’entreprise afin de créer les capacités requises. Le CAF (Cadre de Continuous Architecture) s’appuie sur le modèle VCAP (Value–Capabilities–Assets–Processes)2 et l’étend pour traiter des opérations à l’ère numérique.
La vue Opérations couvre l’ensemble des actifs et processus de l’entreprise. Elle détermine ce que le système opérationnel est capable ou non de faire. Combinée à la notion de valeur, elle définit les capacités de l’entreprise. La perspective capacité considère le système opérationnel comme une “boîte noire”, et se concentre sur les dimensions attendues et réelles dans lesquelles il excelle (ou non).
Les valeurs sont le troisième facteur qui influence ce que le système opérationnel peut accomplir. Ce sont les normes qui guident les comportements et les priorités des employés. Par exemple, lorsqu’une entreprise valorise l’autonomie de ses employés en contact avec les clients, elle est davantage capable de résoudre leurs problèmes qu’une entreprise où les procédures sont appliquées sans discernement.
Le schéma ci-dessous, inspiré du modèle VCAP, résume les dimensions à considérer pour évaluer la situation actuelle et formuler une stratégie opérationnelle.
Opérations Classiques
Les capacités nécessaires à la livraison des produits commercialisés par l’entreprise déterminent plusieurs éléments :
- Le coût d’exploitation requis pour assurer la rentabilité du produit. Le prix étant fixé par le marché, la conception à coût objectif (design to cost) est une pratique courante pour développer les produits et leurs processus de production.
- Le délai de livraison, qui influence le temps d’attente du client.
- La qualité des résultats, c’est-à-dire le niveau d’excellence attendu pour les produits et les processus.
- La flexibilité des opérations, soit la capacité de l’entreprise à s’adapter aux variations des intrants, des niveaux d’activité ou de volume.
La vue processus précise comment les activités de développement et de production des biens et services sont structurées. Elle permet de répondre aux questions suivantes :
- Pour chaque activité, quels sont les fournisseurs qualifiés des ressources nécessaires ? Doit-on l’externaliser ou la réaliser en interne ?
- Quelles activités doivent être menées en interne ? Quelles compétences les employés doivent-ils posséder ? Comment assurer une coordination efficace ?
- Comment ajuster la capacité pour répondre à la variabilité de la demande tout en maintenant les niveaux de service et les coûts d’exploitation ciblés ?
- Comment améliorer continuellement les processus, qu’il s’agisse d’innovations incrémentales ou de ruptures ?
- Quel niveau de risque opérationnel est acceptable ?
Pour exécuter leurs activités, les entreprises ont besoin d’un ensemble d’actifs et de ressources tangibles. Étant donné que ces ressources sont généralement limitées, il est crucial de répondre aux questions suivantes :
- Quelle doit être la capacité globale, aujourd’hui et à l’avenir ?
- Comment l’entreprise va-t-elle accroître ou réduire sa capacité dans le temps ?
- De quels types d’actifs avons-nous besoin ? Quel niveau d’automatisation est optimal ? Quel degré de polyvalence attend-on des employés ?
- Où ces actifs doivent-ils être situés ? Quelle place occupent-ils dans le réseau opérationnel de l’entreprise ?
La technologie numérique a le potentiel de transformer la plupart de ces variables opérationnelles. Par exemple, à l’ère du Cloud, la gestion de la capacité des infrastructures IT évolue profondément. Au lieu d’investir dans des centres de données, l’entreprise peut consommer l’infrastructure en tant que service (IaaS), et adapter rapidement sa capacité en fonction de la demande. La prochaine section décrit les caractéristiques clés d’un modèle opérationnel numérique.
Opérations Numériques
Analysons maintenant comment les technologies numériques impactent les processus et les actifs du système opérationnel.
Les technologies numériques sont utilisées pour :
- Accroître le niveau d’automatisation en remplaçant certaines tâches humaines par des logiciels, par exemple via la robotisation des processus (RPA)
- Améliorer l’intelligence d’exécution des processus grâce au Machine Learning ou à l’IA
- Transférer certaines tâches vers les clients ou des tiers grâce à des dispositifs de self-care
Lorsque les logiciels remplacent l’humain, il devient plus facile d’ajuster la capacité à la demande. Dans le Cloud, les ressources informatiques (calcul, réseau, données) sont mises à disposition via des API ou des portails en libre-service, avec un pilotage automatique des politiques de l’entreprise. Comparé à un modèle intensif en main-d’œuvre avec procédures d’approbation, ce modèle est plus économique et plus agile.
L’automatisation intelligente constitue une alternative à l’automatisation totale, en augmentant les capacités humaines grâce à l’IA ou à des dispositifs comme des exosquelettes pour compenser certaines limites physiques ou cognitives. Comme le souligne Garry Kasparov, il est temps que les humains et les machines collaborent3.
Why Do So Many Strategies Fail? Leaders focus on the parts rather than the whole, David J. Collis, HBR, juillet–août 2021 ↩︎
Operations Strategy: Principles and Practice, Jan A. Van Mieghem et Gad Allon, 2e édition, 2015 ↩︎
Voir : https://medium.com/@Jordan.Teicher/garry-kasparov-its-time-for-humans-and-machines-to-work-together-8cd9e1dc735a ↩︎