
Découverte du problème
- Frédéric Lé
- Problem discovery
- 16 octobre 2021
Table des matières
Contexte et problématique
Dans son livre « Kaizen et l’art de la pensée créative », Shigeo Shingo1 identifie trois étapes essentielles dans la résolution de problèmes :
- Trouver le problème
- Clarifier le problème
- Trouver la cause
Trouver les bons problèmes est une étape critique, trop souvent négligée. Les ingénieurs et architectes sont par formation d’excellents résolveurs de problèmes. Mais que se passe-t-il lorsqu’ils ne se rendent même pas compte qu’un problème existe, ou lorsqu’ils en comprennent mal la nature ?
Dans son ouvrage « What’s Your Problem? To Solve Your Toughest Problems, Change the Problems You Solve », Thomas Wedell-Wedellsborg2 pose une question dérangeante : résolvez-vous les bons problèmes ? L’approche Problem Discovery vise à aider les équipes agiles à identifier les bons problèmes et à mieux les formuler.
Trouver les bons problèmes
Remettre en question le statu quo permet de faire émerger de nouveaux problèmes que l’entreprise doit adresser pour s’améliorer. Trop souvent, les acteurs de l’entreprise fondent leurs décisions sur des hypothèses qu’ils croient vraies — mais qui ne le sont pas. Lorsque les décisions reposent sur des suppositions non vérifiées, le risque de résultats inattendus est élevé. Si les faits ne sont pas établis, le raisonnement qui relie les actions correctives aux améliorations attendues est probablement biaisé. Savoir ce qu’on ne sait pas est fondamental.
Dans son livre « The Pyramid Principle: Logic in Writing and Thinking »3, Barbara Minto écrit :
Lorsque vous identifiez un problème, vous reconnaissez essentiellement qu’une situation donnée produit un résultat spécifique. Le problème est soit que vous n’aimez pas ce résultat, soit que vous ne pouvez pas l’expliquer.
À la suite de Barbara Minto, nous recommandons de commencer par structurer clairement la situation. Dans un environnement VUCA, les relations de cause à effet sont rarement linéaires. La meilleure façon de représenter une situation est donc de créer une vision systémique de l’entreprise (ou d’une partie de celle-ci). Le livre « The Fifth Discipline Fieldbook » propose dans sa section « Starting with storytelling »4 une méthode simple pour modéliser cette vision.
Un bon penseur systémique est capable de voir quatre niveaux simultanément :
- Événements : ce sont les événements ponctuels qui ont récemment posé problème. Ils sont les symptômes des problèmes à identifier.
- Comportements : il s’agit d’identifier les liens entre des événements a priori isolés ; les auteurs recommandent de suivre quelques variables clés sur 3 ou 4 ans pour identifier des tendances.
- Structure systémique : représentation des interrelations majeures entre ces facteurs. Cette modélisation est itérative, en ajoutant et supprimant des hypothèses jusqu’à obtenir un schéma clair et utile.
- Modèles mentaux : les croyances et raisonnements sous-jacents. Il est souvent nécessaire de modifier les modèles mentaux existants, surtout quand ils reposent sur des liens de causalité erronés.
Chaque représentation systémique repose sur des hypothèses, explicites ou implicites, sur les frontières du système. Comme nous le verrons dans la suite, changer ces hypothèses est essentiel pour reformuler les problèmes.
Reformuler les problèmes
Reformuler un problème, c’est changer la manière dont on le perçoit. Que vous ayez défini le problème vous-même ou qu’il vous ait été transmis, il est toujours bénéfique de prendre du recul et de reconsidérer la formulation du problème.
Par exemple :
- Si vous définissez votre problème comme « le temps d’attente à l’arrêt de bus est trop long », vous chercherez des solutions comme augmenter la fréquence des bus — ce qui peut s’avérer coûteux ou inefficace.
- Si vous reformulez le problème comme « le temps d’attente est perçu comme trop long », vous pourriez envisager d’afficher l’heure d’arrivée des bus à l’arrêt. Ce simple geste rend le temps d’attente prévisible — donc mieux accepté.
La reformulation est différente de l’analyse. C’est une activité de plus haut niveau, qui permet de penser « hors du cadre habituel ». La théorie du cadrage (framing theory), développée par Gregory Bateson en 19725, montre que la manière dont une information est présentée influence la façon dont elle est perçue et traitée. Un cadre est une abstraction qui structure la signification d’un message.
Thomas Wedell-Wedellsborg rappelle que :
Reformuler ne se limite pas au début du processus, ni ne se fait indépendamment de l’analyse. Au contraire, la compréhension du problème évolue avec la recherche de solutions.
Il faut donc commencer la phase de Problem Discovery avant d’investir trop d’efforts dans l’analyse, mais sans tomber dans une approche en cascade. La découverte et l’analyse doivent être considérées comme deux activités complémentaires, menées en parallèle pour clarifier les vrais problèmes à résoudre.
pcspress.com, 2007, traduction par Enna Products Corporation et PCS Inc., ISBN 978-1-897363-59-1 ↩︎
Harvard Business Review Press, 2020, ISBN 9781633697225 ↩︎
Pearson Education Limited, 2009, ISBN: 978-0-273-71051-6 ↩︎
Section 16, par Jennifer Kemeny, Michael Goodman et Rick Karash, A Currency Book, 1994, ISBN 0-385-47256-0 ↩︎
Arowolo, Sunday. (2017). Understanding Framing Theory. 10.13140/RG.2.2.25800.52482 ↩︎